Peut-on être un citoyen russe et continuer de vivre dans son pays tout en étant une porn star gay internationale ? L’invasion de l’Ukraine initiée le 24 février 2022 par la Russie de Poutine s’accompagne d’un discours officiel toujours plus dégradant envers les « Occidentaux » et ceux qui partagent leur « immoralité ». Plus précisément, des mots tels que « décadents » et « pédophiles » y sont régulièrement assenés ; le “mariage pour tous” serait même le marqueur le plus évident d'une fracture civilisationnelle avec la Russie. Ce discours s’accompagne de lois toujours plus restrictives en matière de libertés publiques. Porn star gay russe multiawardisée, Dmitry Osten en est arrivé à quitter sa terre natale à la mi-2022. Après six mois de voyages dans différents pays, il s’est établi en Espagne, à Valence. Il en a aussi profité pour tourner…
Dans un tweet daté du 18 janvier 2023, Dmitry Osten évoque qu'il a même beaucoup tourné : “J'ai fait une tonne de films l'année dernière avec des acteurs incroyables, des studios incroyables... et des réalisateurs incroyables. J'espère que vous pourrez voter pour un vieux fou comme moi et profiter du travail fabuleux qui a été fait en République tchèque, en France et en Espagne.” Voici en photos quelques exemples de tournages : Pleasing The Policeman (Men) avec Papi Kocic, une production Gaysight avec le réalisateur Macho Jim et deux beaux mâle viriles, Wanderlust: Barcelona (NakedSword) avec Sir Peter, Poolside Pounding (Jawked) avec Florian Mraz.
Si son appel au vote pour les Grabbys Europe 2023 ne lui a fait gagner aucun prix en nom propre, Dmitry Osten est dans trois des quatre scènes De Madrid Al Infierno, film de Marc Celtik (alias Ridley Dovarez) pour Gaysight, qui a reçu le prix du Meilleur long métrage…
- Photos : Gaysight et Ramon Redel
S’il se présente à juste titre comme un « International Porn Actor » sur son profil Twitter, Dmitry Osten
est « photographe » sur son Instagram. Son compte est effectivement rempli de ses photos, son regard réaliste et social le rangeant dans le courant des photographes documentaires. À ses séries de photos peut s’ajouter un long commentaire. Le 6 juin 2022, alors qu’il se trouvait en Géorgie, il a tenu à raconter comment il était parti de Russie…
« Mon voyage a commencé à Tbilissi, mais il a fallu plus de temps encore avant d'avoir les billets. La guerre a changé la façon dont les Russes peuvent désormais voyager. Pour être honnête - cela a changé/détruit/brutalisé tout sens de normalité et d’humanité et je suis en train d'écrire sur les difficultés d'obtenir un avion. Sans avoir la possibilité de trouver de bons vols de la Russie vers la France, j'ai dû improviser. Je me suis souvenu de mon premier jour de tournage à Berlin. On m’avait donné un budget de 45 dollars pour l’aller/retour Moscou/Berlin. C'était un challenge... Mais je suis fier de dire que je n'ai dépensé que 40 dollars sur mon budget. J'ai pris un bus. Moscou-Riga-Varsovie-Berlin. Je n'ai pas besoin de le dire, mais je sentais le camembert un jour d'été. Donc, en me souvenant de cela et en pensant que je n'ai pas la force mentale pour quatre transferts et des billets trop chers, j'ai réservé le bus de Moscou à Tbilissi. Les vols vers Paris étaient bon marché et le voyage à venir m'excitait. Bien que chaque jour, depuis, je réalise dans quelle tempête de merde je me retrouve. C'était censé durer 30 heures... Il en a fallu 40. Nous étions censés avoir une salle de bains, celle-ci était cassée (sans doute n’a-t-elle jamais été réparée depuis l'effondrement de l'URSS). Que de promesses… Je peux continuer à pleurnicher tant le désenchantement était majeur. Mais assez bizarrement, je dirais que ce fut l'un des voyages les plus mémorables de ma vie. Il y avait des gens formidables aux types de vie différents. Les montagnes du Caucase étaient d’une beauté à couper le souffle. Et la joie de vivre une nouvelle aventure, c'est indescriptible. Après 40 heures de bus, j’étais épuisé physiquement, mais mentalement j’avais rajeuni. J'ai rencontré un Ukrainien dans le bus. Il a dû quitter la Russie car il recevait des menaces de mort. Jamais vous n’imagineriez que ces conneries lui sont arrivées car il était l'une des personnes les plus gentilles et amicales que j'ai rencontrées. Parfois j'ai pu déceler dans sa stature combien il avait été ébranlé. Combien la folie du régime russe a affecté sa vie de manière si radicale. Je parle longuement de tout cela car il est important d'expliquer pourquoi j’aime Tbilissi et ses habitants. »
Dmitry Osten travaille sur un projet photographique qui a pour thème l’émigration de Russes et d'Ukrainiens LGBT en Espagne.
Photo de mise en avant de l'article : Dmitry Osten par William Higgins