« Le 2 juin dernier au soir, j'ai été victime d'une violente agression homophobe.
ILS PENSAIENT QUE JE ME TAIRAIS
J'ai mis plusieurs jours pour trouver la force de me confier publiquement. Voilà ce qui m'est arrivé. »
Par ce tweet et d’autres postés avant-hier, Luc Di Gallo, adjoint au maire de Montreuil délégué à la Ville Zéro déchet, à l’économie circulaire, à la propreté et aux composteurs collectifs, a tenu à témoigner.
"Dans un moment de légèreté et de joie, en rentrant des repas de quartiers à Montreuil, vendredi 2 juin 2023 au soir, je me suis rendu à un rendez-vous fixé avec un homme via une application de rencontre homosexuelle appelée Grindr. C’était un guet-apens homophobe ! J’ai pris conscience à ce moment-là de ce que voulait dire « briser une personne ». Ils ne m'enlèveront pas ma fierté d’être homosexuel, c’est ce qui m’a donné la force d’écrire ces quelques mots. Ils ne m'enlèveront pas les plaisirs et les joies de la vie. Ils n'auront pas ma rancœur, seulement mon désir de justice. Car j'aime toujours la vie, j’aime toujours l’humanité, j’aime toujours mes proches, j’aime toujours l’inconnu qui m’abordera avec bienveillance, j’aime toujours ma ville, ses habitantes et habitants, j’aime toujours…
Ce soir-là, nous devions nous retrouver dans un premier temps au parc des Guillands à Montreuil. Arrivé sur place, un jeune homme m’attendait. Il portait un masque chirurgical au prétexte d’être allergique aux pollens, le rendant ainsi difficilement reconnaissable. Je me suis mis à le suivre tout en discutant avec lui sur un chemin qui devenait de plus en plus sombre. Soudain, il a stoppé sa route dans un endroit très sombre. C’est là qu’il a crié : « SORTEZ » et trois personnes ont surgi de derrière des arbres. Dans un mouvement très rapide, il a passé son bras autour de mon cou afin de me maîtriser.
Les trois autres se sont jetés sur moi pour me rouer de coups de poing à la figure. L’un d’eux a crié « SALE PD, PEDOPHILE ». J’ai crié en vain « AU SECOURS » en espérant une réaction des personnes présentes tout près dans le parc. A ce moment-là, celui qui devait être mon partenaire d’un moment s'est mis à serrer mon cou encore plus fort pour que je me taise. Il m’a demandé de m’allonger au sol, face contre terre. Il m'a dit « PARLE PAS, CRIE PAS, BOUGE PAS ». J’ai obéi ! Mais il a continué de serrer fort. J’étouffais... Je ne savais plus quoi faire pour le satisfaire afin qu’il me laisse respirer. Puis j’ai entendu : «C’EST BON, ON A TOUT» et ils m'ont libéré. Dans un dernier geste humiliant avant de partir en courant avec toutes mes affaires de valeur, l’un d’eux m'a jeté mes clés au sol en disant «TIENS» comme s’il donnait un vieil os à un chien maltraité.
Ce qui devait achever une belle soirée heureuse où l’on fête le bien-vivre ensemble, si cher à notre ville, s’est transformé en un déchaînement de violence inouïe. La violence des coups, la violence de l’homophobie, la violence de la préméditation, la violence due à la peur de l’étouffement, la violence des regards à affronter quand on a le visage atteint ,la violence de l’exposition de sa vie privée, la violence des changements non désirés dans sa vie, la violence de la culpabilisation… Cette violence, j’en subis encore les conséquences aujourd’hui. Elle est même inscrite dans ma chair. Je sursaute quand quelqu’un parle derrière moi par surprise. Je ne supporte pas bien qu’un coiffeur me lave la tête, j’ai le sentiment qu’il va m’étrangler. Je sais que cela va passer mais cela va demander du temps. Heureusement, j’ai la chance d’être soutenu et entouré par ma famille et mes ami·es. J'ai la chance d’être bien conseillé. J’ai la chance d’être élu à Montreuil, cela me donne le sentiment qu’une équipe entière me soutient. J’ai un mot particulier pour Patrice Bessac et Loline Bertin qui ont eu une attention chaleureuse dès les premières heures après mon agression. Je souligne également le professionnalisme des policiers du commissariat de Montreuil qui ont reçu ma plainte sans soucis, comme un citoyen lambda, puisque je n’ai mentionné mon statut d’élu qu’à la fin. Un dépôt de plainte n’est jamais évident pour une victime.
L’ambiance d’un commissariat n’est pas toujours rassurante. Les policiers ne sont pas toujours formés pour recevoir correctement des plaintes pour homophobie. Ce n’était pas le cas ici. Je les sais mobilisés pour retrouver mes agresseurs. Je les en remercie. Cependant, le parcours de victime n’est pas toujours simple. J'ai eu droit à un examen pour évaluer mon Incapacité Totale de Travail avec un médecin de l’Unité Médico-Judiciaire tenant des propos culpabilisants, déplacés & remettant en cause le caractère homophobe de l'agression. Je n’ose imaginer comment une femme victime de viol recevrait les propos d’un médecin lui reprochant d’avoir été habillée de façon « provocatrice ». J’ai mal à toutes ces victimes isolées qui font face à tant d’obstacles douloureux, qui ne savent pas comment sortir la tête de l’eau dans une situation de détresse totale. Dans la semaine qui a suivi mon agression, j’ai rencontré la psychologue de l’association « SOS victime 93 ». Elle m’a dit que pour moi il y aura un avant et un après. C’est sur le chemin du retour de cette consultation, en voyant l’intérieur des appartements d'un immeuble en déconstruction dans le cadre d’une rénovation urbaine, que je me suis fait la réflexion suivante :
« Parfois il faut déconstruire pour laisser place à quelque chose de mieux. On est bousculé dans son intimité rendue publique … Je me dis que, ce qui ne tue pas, peut rendre plus fort. »
J’ai envie de crier ma colère contre cette homophobie. Car ils misent sur un éventuel sentiment honteux de la rencontre homosexuelle pour échapper à un dépôt de plainte de la victime. J’ai envie de parler à toutes ces victimes invisibles ou invisibilisées et de leur dire qu’elles ne sont pas seules. J'ai envie de montrer que la honte est du côté des homophobes.
J’ai envie de dire que l'homophobie n'est pas la normalité dans notre société, que ces guet-apens ne peuvent se produire dans l’indifférence. Pour moi, dénoncer publiquement cette agression, malgré toutes les difficultés que cela va engendrer dans ma vie, c'est dire à tous ces agresseurs qu'ils risquent de tomber sur des personnes qui ne se tairont plus et qu'ils seront ainsi poursuivis par la justice. Le récent film documentaire de Mediapart « Guet-apens, des crimes invisibles » qui traite de ce type d’agression a renforcé ma détermination. J’ai envie de comprendre. Mais mon esprit s’embrouille face au choc. Je me suis pourtant posé de nombreuses questions. Par exemple, ce mode opératoire ne consisterait-il pas à détrousser des homosexuels, juste par facilité ? Mais je pense que ce serait un peu comme dire que des agresseurs sexuels choisiraient d’attaquer des femmes aux jupes courtes, juste par facilité. La réalité c’est que des milliers de femmes sont agressées non parce qu’elles porteraient une hypothétique jupe courte, mais parce qu’elles sont femmes. Tout comme moi et tant d'autres, j’ai été agressé, parce que je suis homosexuel. Dans tous les cas, c’est notre identité qui est visée et aucun prétexte ne saurait atténuer la violence de cette discrimination. Au contraire, la facilité, c’est de choisir l’étroitesse d’esprit pour prendre du plaisir à la violence. La facilité, c'est de choisir d’être habité par la haine plutôt que de faire l’effort de comprendre en toute bienveillance les différences offertes par l’humanité. La facilité, c'est de cultiver les discriminations sous toutes ses formes plutôt que de construire un monde de paix. Dans mon cas, ces jeunes m’ont insulté de « SALE PD » pour se donner du courage dans leur attaque... leur haine est homophobe.
À l’heure fixée par le destin, je commence ma nouvelle existence."
Luc Di Gallo a témoigné à visage découvert pour BFMTV…
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