Sur son nouveau film « Miséricorde », le réalisateur Alain Guiraudie a plusieurs choses à nous dire qui donnent envie

Sur son nouveau film « Miséricorde », le réalisateur Alain Guiraudie a plusieurs choses à nous dire qui donnent envie

« La sensualité, la sexualité, l’homosexualité ne sont pas réservées aux jeunes beaux mecs des grandes ceintures urbaines qui gagnent plutôt bien leur vie »

Réalisateur d’un des films les plus homoérotiques et vénéneux du cinéma français, L’inconnu du lac, Alain Guiraudie est depuis un réalisateur dont on se plaît à voir les œuvres. Qu’on aime aussi écouter. Ce qu’il a à nous dire ne nous laisse jamais indifférents. On se sent grandir par sa vision du monde. Sort aujourd’hui en salles de cinéma Miséricorde dont voici la bande-annonce…

Et voici une présentation des principaux personnages :

Jérémie, interprété par Félix Kysyl, revient dans son village pour l’enterrement de son ancien patron boulanger. Personnage ambiguë, emprunt d’amours cachées ou révélées, il se retrouve au cœur de tous les désirs : une mère endeuillée, un vieil ami jaloux, un curé peu catholique…

Le (très surprenant😋) personnage du curé, interprété par Jacques Develay, illustre l’ambivalence entre tradition et modernité dans nos questionnements intérieurs, la volonté d’être profondément moderne, d’avoir une relation forte avec le moment présent tout en continuant à vivre ses propres désirs.

Martine, interprétée par Catherine Frot, est une femme chagrinée qui aime le whisky et n’aime pas dormir seule la nuit. Elle est en deuil et accueille chez elle un des anciens employés de son mari décédé, Jérémie, qui va prendre une place grandissante dans son esprit troublé.

Vincent, interprété par Jean-Baptiste Durand, est un homme nerveusement jaloux, ancien ami de Jérémie, qui ne va pas voir d’un bon œil son retour dans le village familial. Il se bagarre pour ne pas dire « je t’aime », or un coup de poing ne mène que très rarement à l’église… 


Au regard de la seule bande-annonce, on pourrait considérer que Miséricorde a tout du “polar rural” sur France 3. Erreur !!! Alain Guiraudie précise les choses lors de l’interview qu’il a accordée hier sur France Culture à Marie Laborie. Son film mixe le polar, les histoires de genres, la comédie et même la mythologie. Quant à la sensualité, elle y est très présente. À ceux qui seraient alors tentés d'y voir une énième version du fameux Théorème de Pasolini, le personnage de Jérémie chamboulant des vies cadenassées en révélant des passions enfouies, Guiraudie s’inscrit en faux : 
« Théorème ? je ne l’ai pas du tout calculer comme ça. D’une part ce n’est pas si cadenassé que ça. Et je ne l’ai pas conçu comme un théorème mathématique où un mec vient complètement détruire un système social, en l’occurrence la bourgeoisie. Ça ne parle pas du tout de ça. [Jérémie], c’est un mec un peu paumé qui a envie de rester là, qui revient pour l’enterrement de son patron dont il était amoureux, mais avec qui il ne s’est rien passé, et qui reste parce qu’il a trouvé un endroit où il se plaît. Et il en pince pour quelqu’un d’autre, et quelqu’un d’autre en pince pour lui. Il y a un jeu de désir à trois, et après il y a quelque chose de beaucoup plus complexe qui se noue avec la femme de son patron, la veuve […] Après, le film est très sensuel, très érotique, un désir qui ne s’accomplirait pas dans l’acte sexuel. »

Effectivement, à la différence de L'inconnu du lac, le désir ne s’accomplit pas dans Miséricorde
« En fait je suis revenu à mes premières amours. Mes premiers films étaient assez peu sexualisés. Comme ici, il y avait des gens qui se tournaient autour, un trio qui se regardait mais sans réciprocité, et ça se terminait sans que personne n’ait couché avec personne. Sur ce coup, je suis un petit peu plus malicieux, le but du jeu étant que chaque spectateur se demande qui va coucher avec qui, et puis non, il n’y a rien à l’arrivée […] Le désir non réciproque est quand même la réalité de pas mal d’homosexuels, qui doit être aussi la réalité de pas mal d’hétérosexuels. […] J’avais envie de revenir à cette réalité là, alors que précédemment j’avais tendance à filmer un monde qui s’accorde avec mes désirs. Où ça se passait très facilement. »

Le personnage du curé est central car il est emblématique de ce désir sexuel non accompli…
« Le curé ne représente pas beaucoup plus que ce qu’il est […] : le désir non assouvi ou alors qui se sublime dans l’amour de Dieu […] Ça a été une réalité dans le monde du clergé catholique. Ça a été une voie de secours ou une voie naturelle pour pas mal d’homosexuels ou asexuels à la campagne et même en ville. Le gars qui n’avait pas envie de se marier, de faire des enfants, qui n’avaient pas de désir pour les femmes, c’était assez pratique d’aller dans le clergé. J’ai lu le bouquin de Frédéric Martel, Sodoma… »

Quant au fait que Jérémie soit attiré par des hommes qui ne sont pas des canons de beauté, Guiraudie rappelle une vérité :
« La sensualité, la sexualité, l’homosexualité ne sont pas réservées aux jeunes beaux mecs des grandes ceintures urbaines qui gagnent plutôt bien leur vie. […] Et effectivement Jeremy a un gros crush pour Walter (interprété par David Ayala). » (Rires.)

Pour écouter l’intégralité de l’interview sur France Culture c’est ici.
Pour voir le film, c’est dès aujourd’hui en salles de cinéma.


 

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