Pas un jour sans que l’on ne parle de la Russie, de ses lois liberticides, de la guerre en Ukraine, etc, etc. Va-t-on l'oublier ? Mais il fut un temps pas si lointain où la Russie était une alliée de l’Occident et laissait notamment se développer au grand jour une culture LGBT+. À titre d’exemples, le duo t.A.T.u. et son fracassant Я сошла с ума / All the Things She Said…
David Baramiya (Давид Барамия), qui a concouru au titre de Mr Gay Europe puis Mr Gay World, est connu depuis 2013 sous son pseudo de porn star gay Dato Foland. Mannequin, il honorait de sa beauté le clip de Выстрел глазами, single de la chanteuse russe Irson Kudikova (Ирсон Кудикова)…
Et bien sûr Pavel Pétel (Павел Петель). Si à notre connaissance il n’a jamais fait de film porno, ses photos dénudées et délirantes sur Tumblr ainsi que ses soft porn shows NAKED DJs l’avaient propulsé au rang de sex-symbol international…
En voulant savoir ce qu’il était devenu, nous avons eu la stupeur d’apprendre son décès survenu le 4 avril 2020. Avril 2020 ? Nous étions alors en « guerre » contre le Covid-19 et la France connaissait son premier confinement national. Presque plus rien d'autre n'avait d'importance et des actus ne se sont pas diffusées comme elles l’auraient dû. Rappelons-nous de ce remarquable performeur qui avait malheureusement vu son ascension freinée par la Grande Histoire en marche…
En décembre 2012, Pétel était dithyrambique sur sa vie en Russie, tout en dressant un portait peu flatteur de l’Europe occidentale. Quand le magazine allemand Kaltblut lui demandait s’il avait des problèmes avec la police russe, il disait : « Jamais. Les policiers sont en général souriants. Quand j’ai fait une séance photo de nu dans une fontaine, les policiers russes m’ont demandé poliment de ne pas l’endommager. C’était tout. En Europe, j’aurais certainement été arrêté. » Questionné par le même magazine sur l’aspect politique de ses performances, il répondait : « La politique ? Vous plaisantez ? Je ne connais aucun pays au monde qui soit une vraie démocratie ! À cause de la bureaucratie européenne, il est difficile d’obtenir un visa pour l’Europe. D’un autre côté, les Européens ne peuvent payer mes shows à cause de leurs problèmes économiques. À Varsovie, quelques nationalistes ont essayé de me battre, et m’ont crié dessus que j’étais un « Turc », mais je ne suis qu’un Ukrainien ordinaire aux cheveux noirs. Je ne critique aucun régime politique dans le monde. Toutes mes photos sont positives et ne contiennent aucune idée ni récrimination politique. La Russie me paie bien. C’est un pays riche où je me sens aujourd’hui heureux et libre. Je projette de faire une tournée en Chine – il y a beaucoup d’argent, ce dont j’ai besoin pour matérialiser ma créativité. »
Ses déclarations d’alors trahissaient sa grande déception de l’UE, déception que partageaient alors une majorité de Russes selon Andrei Gratchev, historien, journaliste et ancien conseiller du président Gorbatchev. Alors que les Russes se sont eux-mêmes débarrassés d’un système totalitaire, ils ont vu que leur orientation pro-européenne n’était pas récompensée en retour. Qu’ils étaient traités non pas comme les sujets d’une grande nation, mais comme ceux d’un pays qui ne pèse plus, voire qui est rayé de la carte. D’où la tentation de se tourner vers l’Asie et un passé soviétique, plus précisément celui de la Libération, où ils s’étaient sentis du bon côté de l’histoire, ainsi que celui de l’exploration spatiale dont ils furent les pionniers.
La loi russe promulguée en juin 2013 qui proscrit « l'information au sujet des relations sexuelles non traditionnelles auprès des mineurs » ainsi que les exactions à l’encontre des LGBTQ qui ont concrètement suivi cette loi avaient fait changer Pétel de discours. Dans une interview diffusée sur CNN en janvier 2014, il parlait des attaques et des insultes que lui et son partenaire subissaient depuis l’adoption de cette loi.
« Je devais continuer de sourire, de jouer, de dire ‘hello sexy’, mais c’était difficile. J’ai commencé à avoir peur. Je fais désormais profil bas quand je sors dans la rue et j’ai peur que la police m’arrête. Ils peuvent m’appliquer la loi. Je sais que je ne suis pas en sécurité. J’ai peur de faire ce que je faisais. Probablement je changerai. J’ai peur maintenant de sortir dans la rue avec des perruques ou des talons hauts. »
Crée en juillet 2015, son compte Instagram a très vite abandonné les photos avec perruques et talons hauts pour celles où il se montre très mâle, très chaleureux en père Noël, bûcheron, cadre dynamique, sportif en séance de muscu, paysan, papa d'un beau chat roux…
Ukrainien - il n'avait en effet pas la nationalité russe -, Pavel Pétel s'était rendu au centre d'immigration de Sakharovo dans la région de Moscou le 4 avril 2020. Ses documents administratifs en poche, il rentrait chez lui lorsque l'accident s'est produit sur l'autoroute Simféropol…
Trop triste… RIP
PAVEL PÉTEL
8 SEPTEMBRE 1975 - 4 AVRIL 2020