James Bidgood : Le réalisateur de "Pink Narcissus" est décédé à 88 ans des suites du Coronavirus

James Bidgood : Le réalisateur de "Pink Narcissus" est décédé à 88 ans des suites du Coronavirus

« C’est avec une immense tristesse que ClampArt annonce le décès de l'artiste James Bidgood à l'âge de 88 ans des suites du COVID-19 le lundi 31 janvier 2022. Figure révolutionnaire dans l'histoire de la fabrication de l'iconographie queer, James restera dans les mémoires pour sa vision singulière et sans compromis. Depuis un immeuble du centre-ville de New York dans les années 1960, James Bidgood a réalisé l'essentiel de sa production créative de photographies en utilisant des couleurs chatoyantes et des accessoires et costumes extravagants pour célébrer l'homosexualité. Ses œuvres sont d'abord publiées dans des magazines underground. Il est également le cinéaste anonyme de Pink Narcissus (1971), qui a ébranlé le monde du cinéma underground avec ses images oniriques. Ce fantasme en Technicolor narre l'histoire d'un beau et ténébreux prostitué (l’adorable Bobby Kendall) qui crée un monde de rêve à l'intérieur de son appartement… Grand classique culte, Pink Narcissus demeure une source d'inspiration. » Brian Paul Clamp, directeur de la galerie ClampArt


« En tant qu'artiste, le monde onirique de Jim en couleur bonbon avec ses beaux garçons - si éloigné des fantasmes hard et musclés de Tom of Finland - a été une révélation. Alors qu'une grande partie de son travail, comme son film phare Pink Narcissus, a été créé il y a plus de 50 ans, Jim reste une source d'inspiration. L'influence de Jim peut être vue dans le travail de photographes comme David La Chapelle et Pierre & Gilles. Charli XCX s'est exclamée à quel point elle était « vraiment obsédée… par James Bidgood ». Olly Alexander a qualifié Pink Narcissus d '« incroyable » et il a dit combien il a été « influencé par ce film ». Et plus d’un ont cité l'influence de Jim sur les incroyables vidéos de Lil Nas X. Malgré ses nombreuses contributions à la culture queer, Jim, comme tant de nos grands artistes gays de l'époque, était pauvre à la fin de sa vie… » Kelly McKaig, agent de James Bidgood entre 2002 et 2015 et exécuteur testamentaire. McKaig a lancé un GoFundMe pour payer les frais d’obsèques et les travaux de préservation de son œuvre. En une semaine, l’objectif de 30 000 dollars est presque atteint…

 

« PINK NARCISSUS », UNE ŒUVRE D’ART ÉLEVÉE AU STATUT DE FILM CULTE

Depuis l’annonce du décès du photographe et réalisateur, les hommages affluent. Incessamment citée, une de ses œuvres écrase toutes les autres par sa notoriété : Pink Narcissus. Et l’on en parle comme d’un film culte qui a influencé et continue de le faire tant de grands noms de la pop culture. Pourtant la réception du film par la critique et le public en 1971 aux USA était mitigée, voire moqueuse. Certains y voyaient le pari des producteurs que le style Rococo et Art nouveau plairait aux gays. Or Pink Narcissus était à rebours de ce que la majorité de ce public voulait voir en salle. Jugé comme trop expérimental et pas porno, il n’a pas eu le succès de Boys In the Sand sorti la même année aux USA. On fera remarquer que par son artificialité et son hermétisme, Pink Narcissus fusionne harmonieusement la forme et le fond : auto-enfermement dans le factice et contemplation narcissique d’un soi multiple. Dans une interview accordée en 2017 au journaliste Patrick Thévenin dans i-D, Bidgood reconnaissait que : « Pink Narcissus n'est pas un film X à la base, ce n'est pas fait pour se masturber ou s'exciter. Déjà il y a trop de rose, trop de costumes et de décors, et puis ce n'est pas très viril (rires), c'était à l'antithèse des représentations masculines que les gays trouvaient excitantes à l'époque, la mode était plus au look backrooms avec des mecs en cuir des pieds à la tête. Et puis, à sa sortie en salle, le film n'a pas reçu de bonnes critiques. Dans le New York Times, la seule chose qu'ils ont réussi à écrire c'est : « le réalisateur est très doué de ses mains. » Le film a été redécouvert des années plus tard à la fin des années 1990 et est devenu culte, mais avant tout le monde s'en foutait. » Bande-annonce, avec une musique qui n'est pas dans le film…
 


Anonymus ? Dépossédé par le producteur Sherpix du montage, Bidgood protesta en signant le film sous le pseudo d’Anonymus. Il espérait toutefois que les spectateurs chercheraient à savoir qui se cachait derrière ce nom. La rumeur a malheureusement imposé ceux d’Andy Warhol et de Kenneth Anger…


« LES FOLIES DES HOMMES », SON AUTRE ALIAS


Si l’identité du réalisateur de Pink Narcissus n’était pas un secret dans un milieu informé, l’œuvre de Bidgood ainsi que sa vie a bénéficié d’un coup de projecteur inédit grâce au rôle du journaliste et écrivain Bruce Benderson. Puis surtout grâce à la sortie chez Taschen de la monographie James Bidgood, avec une biographie écrite par le même Benderson. Voici les couvertures de la première édition et de la seconde…


L’intérêt pour l’artiste a permis de mettre en valeur ses autres travaux. Notamment ses photos pour les magazines crypto gays US des années 1960 : The Young Physique et Muscleboy. Il signait alors sous le nom de Les Folies des Hommes, hommage aux Folies Bergères


Notons que dans les premières minutes de Pink Narcissus, l’iconique Bobby Kendall est présenté comme un modèle de Les Folies des Hommes.


« BEYOND THESE DOORS », SON FILM PORNO GAY INACHEVÉ


Trois ans après la sortie de Pink Narcissus, la bible de l’entertainment US Variety annonçait que son réalisateur James Bidgood - comme quoi, déjà dans les années 1970, un milieu informé n’ignorait pas qui se cachait derrière le pseudo d’Anonymous -, allait commencer le tournage d’un film porno gay au sein du studio de Jack Deveau, Hand-in-Hand Films. Son titre ? Beyond The Doors. Le film ne s’est jamais fait. Ou plus précisément l'intégralité du budget de 55 000 dollars a été utilisé pour une seule scène. Celle-ci, titrée Bagdad, se retrouve dans la compilation Good Hot Stuff (Une Histoire d’Hommes) sortie en 1975. Voici comment Bagdad est décrit par GayEroticVideoIndex : « Mark Woodward joue une sorte de Salomé qui danse en titillant un sultan dans son harem masculin. Divers hommes participent à une orgie, principalement buccale. Woodward se rapproche du sultan pour une pipe mutuelle, puis le sultan le baise. »
Bidgood sur le plateau avec sa caméra. À l'extrême gauche se trouve la porn star Mark Woodward et à l'extrême droite Jack Deveau, le producteur-réalisateur-fondateur de Hand-in-Hand Films + de belles photos qui donnent envie…


UNE DRAG NOMMÉE TERRY HOWE


Artiste polymorphe, Bidgood a évolué dans nombre de médias et de disciplines, comme la musique, la conception de décors et de costumes sans oublier la performance drag. Dans les années 1950, il fut dans les night-clubs la belle Terry Howe…



Oui, on ne pouvait manquer de rendre hommage à cet artiste en le montrant également jeune, tout sourire et osant être lui-même. Quitte à être trop en avance, ou au contraire à rebours du mainstream.


JAMES ALAN BIDGOOD (28 MARS 1933 – 31 JANVIER 2022)
RIP
 
 

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