« Fait divers »… Quand on y pense, il s’agit d’une expression journalistique à laquelle on n’est pas obligé d’adhérer. Rubrique fourre-tout, hiérarchiquement en dessous de celles dites prestigieuses que sont la politique, l’international, l’économie, le juridique, le social, la science, la culture voire le sport, le fait divers induit que ce qui y figure est moins important. Grrrr Alors même qu’il est question d’une réalité qui peut toucher un nombre considérable de personnes, elle se retrouve minorée à une affaire, à des cas particuliers. Trois journalistes de Mediapart, Mathieu Magnaudeix, Sarah Brethes et David Perrotinn, ont fait la somme de ces « faits divers » où des hommes ont été agressés par un ou plusieurs inconnus sur des lieux de drague ou rencontrés via des applis gays. Le résultat est édifiant. Vu l’ampleur du phénomène en France, les pouvoirs publics devraient s’en emparer. Nous-mêmes aussi devrions cesser de croire que c’est la faute des victimes qui n’avaient qu’à faire attention ou que ces situations sont rarissimes. Voici la présentation du documentaire Guet-apens, des crimes invisibles bientôt en ligne…
Retranscription de propos des journalistes…
Mathieu Magnaudeix : « Mediapart va bientôt diffuser un documentaire sur un sujet qui nous inquiète : les guets-apens qui ciblent les homosexuels. Ils sont piégés sur des sites, des applications ou des lieux de rencontres, pour les humilier, pour les voler, pour les frapper. Et parfois pire. Vous pensiez peut-être que c’était de l’histoire ancienne, notre documentaire prouve le contraire. »
Sarah Brethes : « Au point de départ de notre enquête, il y a deux affaires en 2019. À Bobigny d’abord, une série d’agressions contre des gays piégés via des applis de rencontres. Ils sont insultés, frappés, dépouillés très violemment. Puis une autre affaire à Drancy, Kevin un jeune homme piégé via une appli de rencontres et lui carrément poignardé et laissé pour mort. Donc on s’est mis à fouiller, on est allé chercher les dossiers judiciaires, les archives de la presse locale, des associations LGBT, et on s’est rendu compte que des guet-apens comme ceux-là, il y en avait énormément. On s’est rendu compte aussi qu’il y en avait partout, à Marseille, Brive, Besançon, Tarbes… et qu’en fait, on en parlait très peu. Les médias les traitent comme des faits divers sporadiques. Et surtout, au départ, il y a ces victimes qui n’osent pas parler la plupart du temps par honte. »
David Perrotin : « On a rencontré des victimes et des avocats qui se sont battus pour faire reconnaître la violence homophobe de leurs agresseurs. Certains ont réussi, mais beaucoup on échoué ou on renoncé. On a aussi rencontré des agresseurs pour comprendre un peu la mécanique homophobe qu’il pouvait y avoir dans leur tête. Parce que ça prend du temps, parce que ça nécessite d’être sensibilisé, la justice passe trop souvent à côté de cette violence homophobe qu’elle refuse de voir et de nommer. Et ce qu’on a constaté, c’est qu’en 2023, les autorités ne sont toujours pas à la hauteur pour lutter contre les crimes de haine qui perdurent en silence. »
Mathieu Magnaudeix : « Ce silence, justement, il n’est plus acceptable. Il est plus que temps d’ouvrir les yeux sur cette homophobie qui perdure en France… »
Exemples d'articles, dont l'un relatif à Kevin laissé pour mort à Drancy. Quoi ?!!! Quatre ans seulement, dont 16 mois avec sursis, pour celui l'a poignardé ?!!!
Captures d’écran : 94.citoyens, France3Regions/auvergne-rhône-alpes, têtu et France3Regions/auvergne-rhône-alpes